
L’ex-libris : ce trésor oublié des livres anciens
Un simple nom, une grande histoire
Avant l’ex-libris, les lecteurs signaient simplement leurs livres à la plume. Un geste de possession, parfois devenu historique : une signature de Rabelais ou de Montaigne fait grimper la cote d’un ouvrage. Mais pour un « Martin » ou un « Dubois », l’effet est tout autre…
L’invention d’une marque de lecteur
Dès le XVIe siècle, les bibliophiles raffinés remplacent la signature manuscrite par une vignette imprimée ou gravée, collée dans les premières pages du livre : l’ex-libris est né.
Très vite, cette étiquette devient un objet d’art. Des graveurs célèbres comme Gravelot ou Choffard réalisent de véritables miniatures, riches en symboles, armoiries ou devises. On n'affiche plus seulement un nom, mais une identité visuelle, parfois même une philosophie.
Une folie… jusque dans les chapeaux
L’engouement est tel qu’on dépasse le livre. Une anecdote célèbre raconte qu’un financier fit coller son ex-libris… au fond de son chapeau ! L’élégance de la possession s’étendait alors bien au-delà de la bibliothèque.
La Révolution met un terme au raffinement
Mais la Révolution française, en supprimant les signes distinctifs de l’aristocratie, sonne le glas des ex-libris artistiques. Fini les gravures raffinées : on imprime des étiquettes typographiques, souvent banales.
Au XIXe siècle, l’ex-libris devient utilitaire, presque anonyme. Le charme s’efface peu à peu.
Un art discret, presque disparu
Ce qui étonne, c’est que même les collectionneurs d’estampes ont boudé ces vignettes. Jugés sans valeur, elles ont souvent fini à la poubelle avec les vieux livres qu’elles ornaient.
Et pourtant, ces petites images racontent une histoire : celle d’un lecteur, d’un goût, d’un temps révolu.
Et si on redécouvrait l’ex-libris ?
Aujourd’hui, à l’heure du numérique, où les objets porteurs de sens sont plus rares, l’ex-libris revient doucement dans l’œil des amateurs. On les redécouvre dans les fonds de bibliothèque, les brocantes ou les ventes spécialisées.
Petits par la taille, immenses par leur pouvoir d’évocation, ces emblèmes oubliés méritent plus qu’un regard distrait. Ils sont les témoins silencieux d’une époque où lire était un acte précieux — et posséder un livre, presque une déclaration.
Louis Treker © 2025